Dire qu’il y a un avant et un après « Farré » dans l’histoire judiciaire argentine ne surprend personne. A une semaine de la fin des débats, le verdict du jury condamnant à l’unanimité l’homme d’affaires Farré pour le meurtre de son ex-femme Claudia Schaeffer, continue de susciter de vives réactions dans les principaux journaux nationaux.
Rien de comparable cependant avec la répercussion des interviews réalisées auprès de quatre jurés. Le peuple argentinet surtout les membres du pouvoir judiciaire, ont pu observer, entre ébahissement et stupéfaction, l’aplomb, l’intelligence, la notion de justice, l’honnêteté, la rectitude morale, l’énorme responsabilité et le bon sens des mots du jury citoyen ayant œuvré dans l’affaire Farré. Le pays entier assiste stupéfait à une nouvelle forme de justice.
Il sera intéressant pour les sémiologues et experts en communication de percer, de distinguer, le pourquoi des mots. Pourquoi le verdict des jurés, êtres humains faits de chair et d’os, susciteautant de réactions et pourquoi ces derniers jouissent d’une telle popularité. Quel est le mystère des jurés? Pourquoi leurs mots sont objets de tant de fascination et d’empathie dans la société? Où se cachaient toutes ces valeurs ?
Même si, à l’avenir, les rencontres des jurés-presse devront trouver un point d’équilibre concernant la loi du silence imposé par le règlement, il est indéniable que les dires des jures du procès Farré ont permis au peuple argentin de retrouver la foi en une justice qui semblait perdue.
Paroles des jurés
Les médias ont publié de courtes interviews réalisées auprès de quelques citoyens ayant été désignés jurés. Au cours de celles-ci, on peut remarquer que ces derniers n’étaient absolument pas au courant de l’affaire qu’ils allaient juger et ce, avant même que le procès ne débute. Même pendant le voir dire de sélection du jury. Le plus remarquable est l’équité et le bon sens dont ils ont fait preuve lors de ce procès, évaluant de façon indépendante les moyens de preuves et appliquant la loi communiquée par le juge Andrejín.
Le président du jury a précisé à la chaine d’informations TN que le jury était composé de personnes de toutes les classes sociales. Il a confié ses impressions de juré, démontrant une certaine finesse lors qu’il s’agissait de distinguer ou non une preuve. Il a minimisé l’importance de la lettre lue par Farré lors de son réquisitoire final faisant remarquer qu’ayant étérédigé en 2016, celle-ci n’avait pas été prouvée et qu’elle aurait bien pu avoir étérédigéce matin-même.
A seulement 24 ans, Ariel a ému le pays dans un reportage issu du journal Clarín. Il a expliqué mieux que personne, la différence notable et l’autorité existante entre juges professionnels et non-professionnels. Etre nommé juge une fois dans sa vie, engage l’intéressé dans une grande responsabilité pour prendre une décision aussi sérieuse que la culpabilité d’une personne.
A la question: "Etes-vous conscient que Farrés era en prison pour une durée supérieure à ce qu’il vous reste à vivre ?", ce lui a répondu: "Oui, et ce n’est pas quelque chose dont je sois fier. Bien que je considère avoir fait ce qu’il fallait, c’est un poids que je porterai sur les épaules pourle restant de mes jours. Je n’ai pas décidé d’être là, c’est tombé sur moi, c’est tout...La question que je me suis posé pendant de nombreux jours est la suivante : Qui suis-je pour décider du futur d’une personne ?"
“C’est quelque chose de très fort. D’un coup je me retrouvais au cœur d’une histoire qui ne m’appartenait pas et je devais prendre une décision. Au début, quelques jurés ont exprimé un certain malaise, mais au fil du temps, on s’est tous laissés emportés par cette histoire et plus personne ne s’est plaint” a-t-il ajouté.
L’article souligne que le jeune n’a pas pris son rôle à la légère; il n’a rien publié sur les réseaux sociaux et n’a rien confié à son entourage. Sa famille ne lui a pas posé trop de questions, ses amis ne l’ont pas dérangé: Ce fut l’une des décisions à prendre les plus difficiles de ma vie… Jamais je n’oublierai cette expérience”.
Quant aux voix s’élevant à propos de l’impartialité du jury –celui-cipouvant être influencé par les médias- il conclut:
“Nous, les douze jurés, savions que nous avions une décision à prendre sur la base des preuves présentées au procès et c’est ce que nous avons fait. Est-ce que justice a été rendue? Oui, j’en suis convaincu”.
Voir articles liés:
- Clarín (10/06/17): A 24 ans, il a condamné Farré: "Ce fut l’unedes décisions les plus difficilesde ma vie" [Ver]
- TN (07/06/17): Le représentant des jurés a raconté comment il a vécu le procès Farré [Ver]
- La Nación (11/06/17): "J’ai voté ainsi car il le méritait"a confié une jurée du procès Farré [Ver]